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Revue d’icônes matinale : les trois figures de la mise en examen…

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Le NouvelOs.com vignette de l'annonce de l'article sur Facebook

L’image de presse a ses rituels visuels, ses figures types, voire ses formes signalétiques… Forgées dans la réitération même qui les installe en type repérable, comme c’est le cas du Facepalm, ces icônes viennent dessiner, au milieu de toutes les illustrations, un paysage familier dans lequel nous nous repérons facilement, un paysage que nous lisons au moment même où nous le voyons, comme le panneau sur le bord de la route. Sorte de repères visuels d’une véritable signalétique de l’information, cette iconographie très typée, très codée, vient, bien plus qu’une simple représentation de l’information, nous signaler l’événement qu’elle établit, localise, forme dans notre imaginaire, plus qu’elle ne l’illustre. Ce phénomène ne s’opère pas par son contenu formel ou informationnel, aussi peu consistant ici que dans la plupart des images photographiques, mais par son existence même, à la manière des photographies officielles qui ne tiennent leur efficace que d’être un point de passage obligé, un rituel… Le pinacle et le pilori sont ainsi passés de la place publique à la place médiatique…

1) La figure de la mise en examen

Ainsi donc, la photographie volée d’un personnage politique dans une voiture, attrapé entre le pare-soleil et l’appui tête avant, entouré de deux ou trois gorilles, qui sont là pour le protéger mais semblent soudain l’embarquer, ignorant l’objectif qui le saisit, est-elle l’icône la plus classique de la mise en examen lorsqu’elle est traitée comme événement immédiat. Devant l’impossibilité de photographier l’acte lui-même ni sa version écrite, cette figure vient symboliquement nous montrer la défiguration iconographique de l’homme puissant. Figure du coup de tonnerre qui la blesse momentanément, cette photographie qui ne dit rien de la décision judiciaire elle-même ni de la réaction de l’intéressé, qui n’est jamais en larmes ni totalement déconfit, comme elle l’espère pourtant, est simplement censée montrer une intrusion dans le cocon devenu transparent et pénétrable de l’homme politique ou du grand patron incriminé. Elle nous dit désormais, l’homme en question est disponible à nos regards, le rempart de son image publique a cédé, l’image-fente par objet interposé nous manifeste cette incision du regard… Mais ce n’est pas une photographie de paparazzi, comme celles de la vedette chez son boulanger, c’est une figure établie de la signalétique médiatique.”Mise en examen ?” … bien ! L’examen commence… c’est tout ce que cette photographie nous dit… Elle a un effet, c’est, comme le perp walk aux USA, une icône efficace, elle ancre une nouvelle identité pour l’intéressé, elle est en soi un événement… La barbe de trois jours de Nicolas Sarkozy risque de prendre une nouvelle signification, de ressembler à celle de DSK à New York, gageons qu’il la quitte prochainement…

Pour illustrer ce matin le “coup de tonnerre”, la presse généraliste a largement choisi cette figure métonymique.

1) Slate.fr Une du 22 mars 2013, Nicolas Sarkozy à la sortie du Palais de justice de Bordeaux, le 22 novembre 2012. REUTERS/Régis Duvignau. 2) Le Monde.fr du 22 mars 2013, Nicolas Sarkozy sortant du tribunal de Grande Instance de Bordeaux le 22 mars 2013 vers 22 heures, AFP / Patrick Bernard 3) RUE 89, 22 mars 2013, même photographie recadrée, 4) Le Figaro.fr, 22 mars 2013, même photographie recadrée

- Remarquons au passage que Slate.fr utilise une image de Régis Duvigneau datant du 22 novembre 2012 et ayant déjà servi pour la dernière audition de Nicolas Sarkozy au terme de laquelle il était sorti sous le statut de “témoin assisté”, ce qui montre que la figure et son dispositif efficace a plus d’importance que la notion d’indicialité qui pourrait être mobilisée pour justifier rationnellement l’usage de cette image. Il ne s’agit probablement pas de montrer le mis en examen dans son premier moment de mis en examen, mais plutôt de signifier la mise en examen elle-même, de l’incarner, lui donner une figure. Contrainte du corps.

- Les différents recadrages viennent ici insister sur le dispositif de l‘image-fente, opérant ainsi un surcadrage qui cache et dévoile en même temps et nous situe dans l’espace comme témoin intrusif, alors que le cadrage plus large de l’image originale sur Le Monde.fr atténue l’effet intrusif et enfermant de la photographie. On peut aussi voir dans ces deux pans d’objets interposés qui enserrent l’intéressé comme une trace des deux mâchoires du pilori entre lesquelles le condamné passait sa tête et ses mains…

2) Le classique facepalm

Cette figure a été relevée par Patrick Peccatte, elle permet de manifester, dans un temps différents, la réaction supposée de l’intéressé à la mise en examen, induisant implicitement sa culpabilité… c’est aussi un signe de la défiguration, ou du changement de visage, elle marque l’effet de l’acte judiciaire et le dramatise en mobilisant des affects. il s’agit là précisément d’une figure de la lamentation masculine et de la honte. Nous en avons vu une série abondante il y a quelques jours après l’ouverture d’une information judiciaire contre Jérôme Cahuzac. Sarkozy n’est pas souvent sujet à ce type de gestes, et pour le signifier, il a fallu chercher loin et s’écarter de sa forme la plus pure…

NouvelObs.com le 22 mars 2013

3) L’allégorie

Libération a choisi de ne pas jouer de la signalétique habituelle, ni facepalm ni photographie à travers le pare-brise, le quotidien met en Une cette image allégorique, suivant en cela les habitudes figuratives et ludiques de sa Une. L’allégorie est assez limpide et l’image de Laurent Troude, qui aime apparemment bien photographier les gestes de la main, bien choisie ; l’ancien président, dans une attitude d’arrêt sur une pensée, fait un geste de la main qui ouvre à diverses interprétations. Sa main revient vers lui comme celle d’un autre, elle surgit du cadre, n’est pas reliée à son corps, et semble presque ne pas lui appartenir, faisant un retour contre l’oubli, cette main qui est peut-être celle d’un abuseur de veilles dames, peut-être celle d’un innocent, vient pour nous comme une question, séparée encore de son corps, attendant qu’un lien précis soit exposé… La part sombre de l’image est encore inférieure à sa part lumineuse mais elle paraît grandir et a déjà commencé à saisir le corps de l’ancien président. La date a aussi son importance, dans une première légende modifiée dans la matinée (agrandir l’image ci-dessous), il était précisé qu’elle datait du 4 mais 2012, c’est-à-dire de son dernier meeting de campagne aux Sables d’Olonne, dernier acte de combat en date avant la chute… l’obscurité s’avançait sur lui… et sa main semblait lui rappeler un mauvais souvenir…

Libération.fr 22 mars (avec la première légende avant modification)

Et la main du coupable absolu lui apparaissait peut-être… qu’y avait-il écrit sur sa paume ?

Affiche du film M, le maudit de Fritz Lang

Mise à jour du 23 mars :

Il peut être intéressant de noter que le NouvelObs.com comme Libération.fr ont abandonné le facepalm et l’allégorie pour reprendre la même photographie de l’AFP, si bien que ce matin, il n’y a plus dans le corpus étudié qu’une seule figure de la mise en examen… Les procédés atténuant l’effet “traumatique” de la nouvelle ont plié sous l’impact de la réalité que les réactions outrancières de la droite UMP ont permis de mesurer…

Le NouvelObs.com le 23 mars 2013

Libération.fr le 23 mars 2013



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